Quels risques se cachent derrière des rendements en apparence sûrs ?
1. La rentabilité a toujours un prix
Lorsqu’on détient une quantité importante d’Ether sur le long terme, deux objectifs reviennent souvent : préserver la valeur et générer un rendement. Le lending classique remplit ce rôle de manière prudente et prévisible, mais avec une rentabilité limitée. Dans un marché haussier, la question revient rapidement :
Comment obtenir un meilleur rendement sans mettre en danger sa position principale ?
Le liquid staking semble être une réponse évidente. Il promet des revenus de staking sans immobiliser le capital, tout en ouvrant la voie à d’autres stratégies comme le restaking ou l’utilisation comme collatéral. Le tout, dans l’écosystème Ethereum. Flexibilité, efficacité, liquidité : le tableau paraît séduisant.
Mais en y regardant de plus près, une question essentielle se pose :
Le rendement supplémentaire justifie-t-il vraiment les risques supplémentaires qu’il implique ?
Cet article propose une analyse posée – pas sur les prix ou les tokens à la mode, mais sur la structure :
Comment fonctionnent réellement ces produits ? Quels risques s’ajoutent au fur et à mesure que l’on empile les couches de rendement ? Et pour qui cela a-t-il un sens – ou non ?
2. Comment ces produits sont structurés
Le staking classique est simple : on dépose des ETH et on perçoit un rendement régulier, comparable à un intérêt. Le liquid staking emballe cette position dans un token échangeable – le plus souvent un LST (Liquid Staking Token). Celui-ci représente votre position et peut être utilisé ou vendu librement.
Cela ouvre plusieurs possibilités :
- Rester liquide, tout en recevant des rendements.
- Utiliser le token comme collatéral (par exemple, pour emprunter des stablecoins).
- Participer à des stratégies de restaking afin de générer des revenus supplémentaires.
Le principe est toujours le même : transformer une seule source de rendement en plusieurs canaux, par superposition et réutilisation.
Mais chaque couche ajoutée accroît la complexité. Et avec elle, les risques – techniques, opérationnels, réglementaires.
Avant de détailler ces risques, rappelons un principe fondamental :
Le rendement n’apparaît jamais par magie. Il est toujours la contrepartie d’un risque – qu’il soit visible ou non.
3. Les risques sous-estimés
Le liquid staking est souvent présenté comme une version optimisée du staking classique : plus moderne, plus souple. Mais cette apparente simplicité masque une chaîne de risques qui peuvent se renforcer mutuellement. Mieux les connaître, c’est mieux décider.
Risque de contrat intelligent
Chaque token de liquid staking repose sur un contrat intelligent – du code automatisé chargé de gérer les dépôts, les retraits et les échanges. Une faille, une mise à jour ratée ou un bug peut bloquer ou faire disparaître les fonds. Même les projets les plus connus n’en sont pas à l’abri.
Risque de slashing
Les ETH sont délégués à des validateurs. En cas d’erreur technique ou de comportement malveillant, ces validateurs peuvent être pénalisés – une partie des fonds est alors définitivement perdue (slashing). Ce risque est parfois difficile à identifier, surtout dans des structures complexes.
Risque lié aux tokens enveloppés
De nombreux protocoles utilisent des versions « emballées » de leurs tokens de staking, comme weETH. Cela améliore la compatibilité avec les plateformes DeFi, mais ajoute une couche de dépendance : si le protocole de wrapping connaît un problème, tous les détenteurs sont affectés.
La fausse liquidité
Ces produits se veulent liquides parce qu’ils sont échangeables. Mais en cas de tension sur le marché, la liquidité peut disparaître. Les files d’attente pour le retrait peuvent s’allonger, et les ventes ne se font alors qu’avec des décotes importantes. La liquidité devient une illusion – précisément quand elle est la plus nécessaire.
Risque de centralisation
Certains protocoles de liquid staking contrôlent déjà une part significative de l’infrastructure de validation sur Ethereum. Cela crée de nouvelles dépendances – techniques, politiques, voire réglementaires. Plus un acteur devient central, plus le système devient fragile.
Risque de complexité
Plus on ajoute de couches (staking liquide, restaking, airdrops, bonus...), plus il devient difficile d’évaluer sa position.
Quels rendements sont réels, lesquels sont incitatifs ou purement spéculatifs ?
Quels risques vous assumez directement, lesquels sont transmis ailleurs ?
À un certain point, le contrôle vous échappe.
4. Rendement vs. risque : un équilibre souvent rompu
La bonne question n’est pas combien puis-je gagner ?,
mais bien quel risque suis-je en train de prendre – et cela en vaut-il vraiment la peine ?
Dans le cas du liquid staking, le rapport est souvent déséquilibré. Des plateformes comme Aave ou Spark offrent environ 2 % de rendement annuel en ETH – avec un risque modéré et une liquidité élevée. Les produits de liquid staking annoncent 3 à 5 %, voire plus avec restaking. Sur le papier, l’écart semble intéressant.
Mais cette performance supplémentaire ne provient pas de flux stables – elle est générée par des structures complexes : réutilisation de collatéraux, systèmes de points, incitations spéculatives. Le risque excède souvent ce que des profils prudents devraient accepter.
Le point essentiel :
Un risque qu’on ne comprend pas ou qu’on ne peut pas contrôler, ce n’est pas un risque maîtrisé. C’est un pari.
Cela ne veut pas dire qu’il faut fuir le liquid staking. Mais il faut décider en connaissance de cause. Pour qui maîtrise les rouages et agit de manière stratégique, l’outil peut être utile. Pour les autres, le danger réside dans une fausse impression de sécurité.
5. Pour qui le liquid staking a-t-il du sens – et pour qui il n’en a pas ?
Le liquid staking n’est pas un mauvais produit. Il répond à une logique d’évolution de l’écosystème Ethereum : plus de flexibilité, de rendement, d’options. Mais il ne remplace pas le staking classique ou le lending – il vient avec ses propres risques.
Les investisseurs expérimentés, techniquement à l’aise, ou les institutions disposant d’un suivi actif, peuvent en tirer parti.
Mais pour un investisseur plus prudent – ou pour celui qui cherche simplement à faire un peu mieux travailler son ETH, cela reste souvent une mauvaise option. Trop de risques, trop peu de clarté, pour un gain incertain.
Le rendement n’est jamais gratuit. C’est le prix à payer pour l’incertitude.
Si vous le touchez, assurez-vous de savoir pourquoi.